vendredi 30 avril 2010

Premier billet

Je ne sais pas si je fais bien de commencer ce blog...
C’est vrai quoi ! Rien n’est fait, rien n’a même encore commencé d’être fait, et déjà j’anticipe sur le futur en faisant tout à l’envers... S’il faut, tout ce que je vais écrire ici ne va être que le récit de rien. Mais bon, le récit de rien c’est déjà un récit, non ?
N’empêche que c’est vrai que je fais tout à l’envers. J’ai pas encore de bateau et je lui donne déjà un nom... J’ai pas encore commencé à naviguer que déjà j’ouvre un journal de bord...
D’aucun pourraient dire que je mets la charrue avant les bœufs.

M’ouais... En même temps je me dis que le récit du rêve, de sa préparation, de sa mise en œuvre, ça pourrait intéresser du monde... Mes doutes, mes certitudes, mes galères, mes joies aussi (car il en aura surement sinon c’est pas la peine), tous ces trucs qui peuvent m’arriver, c’est ce qu’on appelle de la « matière », du « vécu » (poil au c...).

Donc il n’y a pas vraiment de raison que je ne commence pas par le blog. Na !

Alors on va commencer. Et tout journal de bord qui se respecte commence par une chose, la position du bateau... Ou du bonhomme si vous préférez. Parce que le bateau sans le bonhomme dessus, ça s’appelle une épave. Et l’inverse est parfois vrai aussi... Enfin, je m’égare.
Donc actuellement je suis là : 43°42'7.74"N 7°14'13.69"E

En clair pour les béotiens (n’y voyez rien de péjoratif) ça ce lit quarante-trois degré, quarante-deux minutes et sept virgule soixante-quatorze centièmes de latitude nord, et sept degrés, quatorze minutes et treize virgule soixante-neuf centièmes de longitude Est.

Oui, je sais. C’est aussi chiant à lire qu’à trouver sur une carte. Heureusement, il y a un truc tout simple et bien fichu qui s’appelle Google Earth (ça marche aussi avec Google Maps). Vous copiez-collez le machin dans la case « Allez à : ». Et toc, magie de l’informatique, dans un magnifique travelling plongeant de la mort qui tue, vous arrivez sur la position du bonhomme... Et en l’occurrence, actuellement c’est ma maison !

Euh... Ce sont les chiffres qu’il faut copier/coller hein ? Pas la phrase... Non, bon d’accord je n’ai rien dit.

Et donc vous arrivez à ma maison disais-je. Ma maison qui va devenir en quelque sorte mon gagne pain, mais ça j’y reviendrais.

Bon par quoi est-ce que je commence ? La position, c’est fait. Le pourquoi du comment de tout ce bazar... Est-ce bien nécessaire ? Je veux dire, est-ce qu’il est vraiment important que je remonte au fin fond de mon enfance pour vous expliquer que j’ai toujours voulu partir ?

C’est comme ça, d’aussi loin que je me souvienne j’ai toujours rêvé de parcourir le monde. Avant, quand j’étais petit garçon, je me plantais devant des atlas, des cartes et je laissais mon esprit vagabonder. Je me traçais des itinéraires dans ma tête, je voyageais en rêve... A l’époque, qu’importent les moyens de locomotion. Ce que je voulais c’était partir...
D’autres diraient fuir.
A l’âge de dix ans j’ai pris mes cliques et mes claques et je suis parti en direction de Marseille. Le plan c’était de monter comme mousse à bord d’un cargo et de faire le tour du monde !
Bon, ça a foiré lamentablement bien sûr... Au bout de vingt kilomètres à pied, de nuit, je me suis retrouvé au matin, épuisé, devant la grille de la gendarmerie des Arcs où je me suis constitué prisonnier. Retour à la case départ, avec une bonne dose de culpabilité en plus.
Tien, vous saviez que Jules Verne avait fait la même chose ? Lui aussi fugua en son jeune temps, il partit en direction du port de Nantes pour s’y faire embauché comme mousse. Je ne me souviens plus si on le rattrapa ou s’il renonça comme moi à son projet, mais le fait est que de toute sa vie il ne quitta jamais la France.
Bon d’accord, ce bougre de Jules Verne écrivit les plus beaux récits d’aventure qui soit, mais de sa vie il ne voyagea qu’en imagination...
Lorsque j’appris cette anecdote quelques années plus tard, j’ai évidement repensé à ma propre expérience... Et je me suis juré que ne je ferais jamais comme lui. Bon d’accord, il a écrit des livres fabuleux, mais je ne peux m’empêcher de penser, même maintenant, à la frustration qui a du être la sienne toute sa vie durant. Même si cette frustration fut peut-être le moteur de sa créativité, je trouve cette histoire extrêmement triste.

Revenons à nos moutons. Un ou deux ans après cette fugue avortée, j’ai eu mon premier contact avec la voile. C’était lors d’un camp de vacance sur les bords du lac de Sainte Croix avec des 420. Là, j’ai découvert que c’était mon truc la voile. Je trouvais ça magique ! On se balade comme ça, peinard, en se faisant pousser par une force invisible ! De la magie je vous dis !
Je me souviens qu’une fois, alors que le vent nous avait éloignés de la meute des autres embarcations, on se demandait comment revenir mon coéquipier et moi. Le ponton se trouvait pile dans l’axe du vent, ce n’était donc pas gagné d’avance. Et bien croyez-le ou pas, mon pote et moi on a inventé la remontée au vent et le tirage de bords tous seuls comme des grands ! On s’est pointé au ponton, une heure après les autres, nous attendant à nous faire engueuler... Et puis finalement ça a été le contraire, le moniteur nous a félicités ! Je me souviens très bien qu’il nous a dit qu’il était prêt à venir nous chercher en zodiac lorsqu’il a vu qu’on avait trouvé le truc. Alors il nous a laissé nous dépatouiller.
Qu’est-ce que j’étais fier, je ne vous raconte pas !

Par la suite, il me fallut attendre vingt ans pour remettre les pieds sur un bateau...