mercredi 30 décembre 2015

Back to the water

10°40.788N 61°37.257W
Carenage Bay, Trinidad

Ready ?
Sept heure du matin ce mardi 29 décembre, j’attrape Oscar au bar de la marina. Il sirote un café, et bien sûr ne m'en propose pas. Je lui tend la main pour le saluer, et celle-ci reste un instant en suspend... Putain, celui-la pour lui arracher un semblant de convivialité, il faut vraiment se lever de bonne heure... Il me demande quand est-ce que je compte mettre mon bateau à l'eau. Un rien provocateur je le regarde dans les yeux et je dis : «  Right now... ».

Il regarde le ciel à l'est et comme moi voit le gros nuage d'averse qui approche. Il hésite un moment puis se tourne vers moi et dit : « Ok, let's go ».

Alors on a l'etsgoté. Lui et son compère placent les sangles et La Boiteuse ne tarde pas à décoller dans les airs. Touline est perplexe et regarde ça de loin. Sont tarés ces humains, elle était bien la maison ici, pourquoi ils l'a bougent encore ?

Et puis on arrive sur le bord de la darse... et l'orage nous rattrape. Bon, c'est l'affaire d'un petit quart d'heure... Alors j'en profite pour faire une petite vidéo.



Un quart d'heure plus tard, vroum, c'est reparti. Touline c'est fait piéger sur le bateau et fait des aller-retours en miaulant. Mais bordel ! Pourquoi vous la bougez encore ? Surtout quand je suis dessus ! Z'êtes malades ??? La quille n'a pas encore touché l'eau qu'elle saute et se barre fissa-fissa. 
 

C'est à moi de jouer maintenant. Je grimpe à bord pour contrôler les amarres et les pare-battages, pendant que les deux frères-sourire me hâlent jusqu'au quai. Un petit coup de main pour remettre l'étai en place ne serait pas de refus... Merci les gars. Heu pardon : « Thank you guys ! »

Ô temps suspend ton vol...
Bon, qu'est-ce que je fais maintenant ? Ah oui, faudrait peut-être vérifier que je ne coule pas, non ? J'allume Mercedes. Elle se fait tirer l'oreille mais ça va. Pas d'eau par le presse-étoupe, c'est bon. Les chiottes maintenant. C'est aussi sec que mon gosier. Ah tien, faut que je fasse le plein d'eau... Je me démène pendant une heure, et après avoir retendu les haubans et rincer le pont, je me dis que je peux peut-être y aller. Elle est où Touline ? Elle est là, allongée sur le béton de la darse. Suffisamment près pour garder un œil sur ce qu'il se passe, mais pas trop non plus, au cas ou je voudrais la forcer à monter à bord. Je m'approche en lui parlant gentiment... et elle se barre aussi sec. Non mais tu m'as pris pour une chatte de l'année ou bien ?

Je profite une dernière fois du quai
C'est pas grave, je la récupérerais plus tard... Il est neuf heure du matin et il n'y a personne qui semble vouloir me donner un coup de main pour larguer les amarres. Tant pis, je me démerde tout seul. Comme d'hab. Devant, derrière et hop, on est parti ! Un petit tour d'honneur pour voir ce que ça donne du côté de l'arbre d'hélice... On dirait bien que tout fonctionne. Le mouillage est plutôt désert, puisque qu'il n'y a plus pour l'heure que deux bateau. Un Français et un américain. Je plonge mon ancre entre les deux. Un petit coup de marche arrière... Ça a l'air de tenir.

pfff... Me fais chier.
Au bout d'un quart d'heure, je me fais déjà chier. J'ai l'impression d'être en prison. Alors je saute dans le dinghy et hop, direction le bar ! De toute façon il faut que je paye ce que je dois pour le chantier... Je grimpe à l'étage et c'est maintenant sœur-sourire qui me reçoit. Celle-la j'vous jure... Le plus joli petit lot du quartier qui souri à tout le monde, sauf à moi. Je ne sais pas ce que je lui ai fait... Elle est peut-être raciste, qui sait ?

Elle se plante dans la facture, en me rajoutant une semaine. Heureusement, je surveille... Parce qu'au final ça fait 5196 TT$. 743 Euros si vous préférez. Aïe, j'ai la carte bleue qui couine en entrant dans le lecteur.

Si j'étais un bon gestionnaire, il faudrait que je totalise tout ce que cette escale m'a coûté. Mais comme je n'en suis pas un... Tout ce que je sais c'est que j'ai largement dépassé les cinq milles balles que je m'étais alloué au départ.

Bon les enfants, je vous laisse. Comme je vous l'ai dit dans la vidéo, je compte rester une petite semaine, et ensuite on se barre. Tien, faut que je pense à acheter les drapeaux pour les escales à venir... Celui de Grenade, et celui de Saint Vincent... Ensuite, c'est la France ! (Youpiiiiii !)

Passez un bon réveillon de fin d'année, et on se retrouve l'année prochaine !

Où est-ce que vous allez avec ma maison ?!?

jeudi 24 décembre 2015

Noël à Trinidad

10°40.788N 61°37.257W
Carenage Bay, Trinidad

Carenage Bay ce matin
Ce lundi 21 décembre j'étais sensé appliquer la dernière couche d'antifouling avant une remise à l'eau programmée pour le lendemain. Oui mais voilà, après une averse diluvienne survenue peu avant je me suis rendu compte que mon safran prenait l'eau. Oui, encore. La réparation déjà effectuée n'était pas en cause, mais de l'eau s'infiltrait par la partie supérieure au niveau du tube de jaumière (Enfin, je crois que c'est comme ça que ça s'appelle... Je parle de l'axe en métal).

L'inverseur remis à neuf !
Donc, lundi matin, pendant que Sheldon le mécano peaufinait le remontage du tourteau et l'alignement de l'arbre d'hélice, j'ai commencé à vouloir démonter le tube de jaumière afin de tomber le safran... Peine perdue. Le safran est accroché à son axe grâce à deux vis Allen tellement corrodées qu'elles sont impossible à démonter. A moins de forer, puis de tarauder par derrière... Je hais les vis Allen (ou alène, c'est comme vous voulez), que ce soit dit. 
Va mourir !
Je les hais à un point que vous ne pouvez imaginer. Je trouve que le type (qui s’appelait Allen) qui a inventé ça aurait dû être pendu par les couilles au dessus d'une fosse remplie de serpents.

L'inspectrice des travaux pas finis
Bref, j'ai dû payer encore quelques sous pour trouver une solution temporaire qui a consisté en une injection de silicone liquide sous pression, afin de remplir les vides à l'intérieur du safran... J'ai bien conscience qu'il s'agit là d'une solution temporaire, et d'ici deux à trois ans il faudra que je trouve quelque chose de plus pérenne. Ça tombe bien, car d'ici deux à trois ans, j'ai bien l'intention de remiser La Boiteuse au sec pendant une période d'au moins six mois... Cela me permettra de faire une pause, en même temps qu'un décapage et un séchage complet de la coque afin de se débarrasser pour un temps de l'osmose. Mais bon, on n'y est pas encore.

La nouvelle annexe dans sa configuration définitive
Donc voilà. Ces quelques soucis supplémentaires ont fait que j'ai dû surseoir la remise à l'eau... Enfin, pour être franc j'aurais pu être à l'eau pour le 24 au matin, et partir le 25. Oui, j'aurais pu si je m'étais sorti les doigts du cul, et si j'en avais eu envie. Et je suis bien obligé de me rendre compte que je n'en n'ai absolument pas envie. Je suis bien sur mon chantier moi... Alors je sais, écrire cela va faire bondir pas mal de mes lecteurs, mais je n'y peux rien, c'est comme ça ; je suis bien obligé de me rendre compte que la perspective d'un mouillage, ou même d'un retour à la bouée me rend extrêmement mal à l'aise. Mon dérapage du mois d'octobre aura fait des dégâts et pas seulement sur la coque de mon bateau : Mon moral et ma motivation en ont pris un coup aussi.

J'ai donc décidé de laisser passer le grand weekend qui commence ce soir, et de programmer un départ entre Noël et le jour de l'An. Les objectifs n'ont pas changés, ce sera Carriacou, puis Béquia, et enfin la marina de l'étang Z'abricots à Fort de France.

Bon allez, je vous laisse. J'ai quelques courses à faire pour le barbeuque de ce soir. On se retrouve à Power Boat avec Jean-Philippe de Longtemps, et Chantal et Olivier de Neblon. On va s'enfiler quelques bières et déguster quelques grillades

Passez un bon réveillon et à bientôt ! 


On reste encore un peu ? J'suis pas contre !


vendredi 18 décembre 2015

C'est Noël !

10°40.788N 61°37.257W
Carenage Bay, Trinidad

Ce jeudi de décembre, il est 11H45 et je rentre au bateau pour découvrir que mon cadeau de Noël a été déposé sous le sapin pendant mon absence. Enfin, sous le sapin... Sous La Boiteuse en fait. Parce que des sapins par ici... Ça ne court pas les rues.

Enfin là...
Après deux mois, neuf semaines si je veux être mesquin, ma nouvelle annexe est ENFIN arrivée !!! Yes ! Sonnez hautbois, résonnez musette !
J'ai bien envie de me mettre à déballer mon cadeau tout de suite, mais comme il n'est pas loin de midi, j'ai d'autres priorités. Un steak, des pâtes et une bonne sieste. C'est donc vers 16H30 qu'armé d'un cutter je commence à tailler dans l'énorme paquet.

Oooooooooooooooooh !
Ma Walker Bay de 8 pieds est d'une blancheur immaculée. C'est tellement blanc que ça me fait mal aux yeux. Les bancs, qui sont gris, sont dans un carton à part, avec des boulons, des écrous et des rondelles. Il y a même un outil pour les monter ! Je ne sais pas comment ça s'appelle ce truc-la. Une clef à pipe montée sur un manche. Un tourne-pipe peut-être. On s'en fout.

Aaaaaaaaaaaaaaaaah !
Même si j'ai la notice sous les yeux, je me plante parce que je confonds les boulons qui sont de tailles différentes. Il y a des 1/4"-20 x 1-1/4" et des 1/4"-20 x 1-1/2"... Résultat, la nuit commence à tomber lorsque j'ai fini. Qu'importe, je sais être têtu quand je veux. Je charge mon canot sur mon dos (37 Kg) et je vais sur la plage pour y fixer mon moteur hors-bord.


Il fait carrément nuit lorsque je grimpe à bord pour un premier essai. Je manque de me foutre à l'eau tellement l'esquif est instable. Houla ! Va falloir que je m'habitue ! Vroum-vroum, le HB démarre au quart de tour et je vais faire un tour. Le vent souffle et il y a des vagues, mais j'ai l'impression de chevaucher le bateau-feuille de Bernard et Bianca. Les jeunes ne connaissent pas j'imagine, mais alors que je n'ai jamais été aussi vite sur l'eau avec mon annexe, c'est à ça que je pense. Evinrude la libellule qui propulse à toute vitesse sa feuille ! Vroum-vroum !

Vroum-vroum !

Franchement, ce n'est pas très compliqué de trouver de quoi sourire en ce monde.

Bon sinon, dans le genre bonnes nouvelles j'en ai d'autres à vous communiquer. L'inverseur doit être remonté aujourd'hui. Ce weekend je fais la quatrième couche d'antifouling cargo hyper-toxique-de-la-mort-qui-tue à 72 euros le gallon, et logiquement, mardi, on remet La Boiteuse à l'eau ! C'est pas un beau programme ça ?

Tadaaaaaa !

mercredi 16 décembre 2015

Prolongation

10°40.788N 61°37.257W
Carenage Bay, Trinidad

Je sais, je sais... Vous allez me dire que depuis trois mois que je suis à Trinidad, j'ai largement eu le temps de faire ce que j'avais à faire, et que je n'ai qu'à m'en prendre qu'à moi-même si La Boiteuse est toujours perchée sur son ber alors que mon visa est sur le point d'expirer. Peut-être que oui, peut-être que non... Mais, sans vouloir fuir ma part de responsabilité, j'ose affirmer que tout n'est pas de ma faute !

Le dumper, c'est le truc en caoutchouc
En effet, ce n'est pas ma faute si mon annexe est restée bloquée en douane à Port-of-Spain. Et ce n'est encore pas ma faute si l'entreprise étasunienne qui devait m'envoyer mon nouveau dumper, s'est planté sur le modèle. 


Tourteau avant
Mais bon, les choses s'arrangent. Le dumper est enfin là et mon dinghy devrait arriver aujourd'hui (ou demain), et normalement La Boiteuse devrait pouvoir retrouver son élément liquide avant le weekend. Mon visa expirant le mardi 22, c'est sans doute jouable... Mais je ne préfère pas courir le risque d'un imprévu supplémentaire. On ne sait jamais ! Si j'ai encore un souci, je vais me retrouver en délicatesse avec les autorités. Et franchement, je ne préfère pas.

Tourteau après
Donc, aujourd'hui je vais passer ma journée à demander une prolongation de mon visa. Une ou deux semaines supplémentaires, histoire d'être à l'aise et d'évacuer la pression générée par ce timing un peu serré. Tant pis, moi qui ne voulais pas passer Noël à Trinidad, je vais devoir me faire violence.

Remarquez en ce qui me concerne, que ce n'est pas tant de devoir passer les fêtes de fin d'année ici qui me déprime. Ça aurait été dans les eaux limpides de Carriacou ou de Béquia (mes prochaines étapes avant la Martinique), ça aurait été la même chose. J'aime pas Noël, c'est comme ça. 

Bague hydrolube
Cela dit, le fait de passer Noël dans un pays où les poignées de portes sont rondes... Où les gens roulent à gauche. Où on compte avec ses pouces et ses pieds et on boit des onces. Où il y a du 110 volts dans des prises plates, et où quand tu crois qu'il fait 30°, il en fait 86°. Un pays qui parle anglais avec un drôle d'accent, qui diffuse à la radio des chanson de Noël à tout bout de champ et où le sourire est une option rare... C'est sûr que cela ne va pas aider à me remonter le moral.


Mais bon ! Comme dit l'autre : Fuck Christmass and carry on !


Presse-étoupe.... Comme neuf !

lundi 7 décembre 2015

Terminé ! (Ou presque...)

10°40.788N 61°37.257W
Carenage Bay, Trinidad

Une petite virgule pour vous tenir au courant. Non, ne me remerciez pas, c'est cadeau !


lundi 30 novembre 2015

Bilan de mi-travaux et attaque de blattes zombies

10°40.788N 61°37.257W
Carenage Bay, Trinidad

Demain mardi, cela fera quinze jours que La Boiteuse trône sur le chantier de la Trinidad & Tobago Sailing Association. Et quand je dis qu'elle trône, ce n'est pas juste une image. Car avec ses onze mètres et ses six tonnes, c'est le bateau le plus imposant du lieu.

La vue du balcon est jolie, mais Touline s'en fout
En quinze jours, sans pour autant avoir bossé comme un dingue (faut pas pousser tout de même), les choses avancent doucement, mais avancent tout de même. J'ai tout d'abord installé le nouveau panneau solaire. Avec ses 140 Watts, il alimente parfaitement le nouveau frigo de 50 litres qui m'a été livré par erreur à la place du 40 litres prévu initialement. Et pour le même prix ! Par contre, l'annexe que j'ai commandé au États-Unis n'ai toujours pas arrivée... Ce sera normalement pour début décembre.

La quille est poncée (pas par moi, j'ai payé quelqu'un pour réaliser cette corvée), mais j'attends que le safran soit réparé pour passer l'antifouling. Je n'arrive pas à démonter l'arbre d'hélice, ce qui fait que je n'ai pas pu pour l'instant changer la bague hydrolube. L'inverseur lui, est toujours chez le mécano... et on galère à trouvé la pièce qui fait jonction avec le tourteau. Si en fin de semaine on ne trouve pas, il va falloir que je sorte 1000 US$ pour en faire fabriquer une neuve. Mais il semblerait par contre que l'on ait trouvé le caoutchouc (bumper) correspondant quelque part en Allemagne ! Comme quoi, il y a lieu de se réjouir quelque part.

Si j'utilise le « on », c'est parce que j'ai complètement délégué les problèmes moteurs à Marc de chez Dynamite. Franchement, je commence à en avoir un peu plein le cul de ce bourrin, et je ne peux pas me faire du souci pour tout parce que sinon je vais crever avant l'âge. Donc, je délègue.

Bernard au travail
Sinon, on a pas mal galéré avec Bernard pour installer les toilettes. Moi qui avait toujours trouvé incongru le choix de l'ancien propriétaire d'opter pour un WC chimique, je comprends mieux maintenant pourquoi ! La configuration du bateau est telle, qu'on est obligé de faire quelque chose de pas joli. M'enfin, je ne vais plus avoir à vidanger régulièrement cette saloperie de toilette, et je n'aurais plus ces odeurs pestilentielles pendant la nave. Et ça mes amis, ça n'a pas de prix !

Efficace l'acide oxalique !
Quoi d'autre ? Ah oui, vendredi dernier j'ai constaté que mon chargeur de quai était en panne... Mais bon, comme hélas ce n'est pas demain la veille que je mettrais La Boiteuse en marina, y'a pas d'urgence. Ce weekend je me suis occupé de changer le réa du davier, et j'ai mis mes écoutes à tremper. La coque est propre. J'ai passé deux jours à la nettoyer à l'acide oxalique... Bref, les choses avancent doucement comme je vous le disais au départ.


Ah ouais ! Il faut absolument que je vous raconte une histoire de dingue ! Le genre d'histoire qu'à ma connaissance vous ne lirez nulle-part ailleurs !

Les nouvelles toilettes
Donc voilà, c'est une histoire de cafard (Non, pas le mien de cafard. Je parle de vrais cafards). Depuis qu'elle voyage, La Boiteuse a toujours plus ou moins hébergé quelques spécimens de cette saloperie d'insecte. Des petits cafards marocains au gros ailés brésiliens (genre Periplaneta americana), j'ai toujours réussi à maintenir leur population à un niveau acceptable, aidé en cela par Touline qui se fait un plaisir de les chasser pour les bouffer. C'est en arrivant en Guyane que les choses se sont corsées... J'avais beau être mouillé dans le fleuve, tous les soirs de grosses blattes volantes atterrissaient sur le pont, et toutes n'ont pas fini dans l'estomac de Touline ! Peu à peu, j'en ai trouvé un peu partout, et par deux fois (essayez de ne pas vomir sur votre clavier) j'en ai même trouvé dans ma tasse de café le matin au réveil. Les bébêtes s'y étaient installées pour déguster le lait concentré au fond de la tasse, et moi sans m'en rendre compte je rajoute deux cuillères de café instantané et de l'eau bouillante... Je ne vous dis pas la surprise lorsque vous commencez à touiller !

Bref, les bestioles commençaient à vraiment s'installer et j'envisageais sérieusement une résolution plus radicale du problème. Jusqu'à présent, à cause de Touline, je ne voulais pas employer des produits chimiques un peu trop agressifs. Mais le problème s’aggravant de semaine en semaine, je m'en étais inquiété auprès de Tanguy, un véto de passage qui m'a alors indiqué une méthode radicale pour se débarrasser des cafards sans mettre en danger une partie de l'équipage. C'est assez simple. Il suffit de disposer dans des endroits stratégiques des petites coupelles contenant un mélange de lait concentré sucré et de quelques gouttes d'anti-puce. Les cafards s'en régalent, crèvent, et ne risquent pas d'empoisonner votre équipière si jamais il lui prenait l'envie de boulotter un cadavre. Car la dose d'insecticide est supportable pour elle, puisque c'est celle qu'elle ingère normalement lorsqu'on lui met l'anti-puce sur le cou... C'est futé non ?

Récapitulatif
 Mais bon, impossible pour le moment de trouver ce genre d'anti-puce dans le coin. J'ai donc dû me résoudre à attendre d'être en Martinique pour lancer l'offensive. Sauf que, ce que je n'avais pas prévu, c'est que ce serait les cafards qui allaient passer à l'offensive...

Un vieux billot, de l'herbe... Le Paradis !

Un soir de la semaine dernière, je m'apprêtais à m'installer confortablement pour regarder un film lorsque je me suis dit : Tien, il y a des moustiques ! Je vais pulvériser un peu de ce nouvel aérosol que je viens d'acheter... Pchit-pchit-pchit, j'en mets un peu partout dans le bateau et je referme toutes les moustiquaires afin d'être tranquille.

Nom de dieu ! À peine avais-je terminé de pulvériser le truc que j'entends des grattements de partout ! Ça gigotait dans les cloisons ! Le faux-plafond ! Les équipets ! Et puis ils sont sortis par dizaines... Des cafards gros comme la main ! (Non, bon ok, pas gros comme la main... Mais de bonne taille quand même, genre 6-8 cm). Un vrai film d'horreur !

Il y en avait tellement que Touline s'est enfui sans demander son reste. Se chargeant quand même de faire la chasse à ceux qui arrivaient à regagner le cockpit via les aérations du capot de descente.

Du coup, j'ai carrément vidé l'aérosol en entier. J'en ai mis partout ! Et puis j'ai passé quatre heures à chasser ces sales bêtes avec dans une main ma lampe de poche et dans l'autre un chiffon. Elles étaient assez facile à attraper car elles semblaient complètement déboussolées, ne fuyant plus la lumière, et tournant parfois en rond comme des zombies. Je les ai chopé une à une, plus ou moins écrabouillé (Cruntch!) et je l'ai ai balancé par dessus bord sur le terre-plein du chantier.

Le lendemain, le sol autour du bateau était jonché de cadavres, sinistre preuve de la lutte homérique que j'avais dû mener face à la horde de blattes zombies.

Les soirs qui ont suivi, j'en ai attrapé encore quelques unes, mais le gros de la troupe semble avoir été exterminé. Dès demain je retourne au supermarché et j'achète une demi-douzaine de cette bombe miracle. Histoire de clore les hostilités une fois pour toute !

C'est quoi ça ?
Donc voilà, c'était le récit d'une petite misère parmi d'autres. J'espère que vous n'étiez pas en train de déjeuner !


A part ça, rien. Je crois que j'ai plus ou moins fait le tour des derniers événements afin que vous soyez pleinement informés. Donc logiquement à la fin de la semaine je devrais avoir des infos fraîches à partager avec vous, concernant l'inverseur et surtout, surtout, la nouvelle Miss B !

See you next week !
On aperçois le nouveau panneau...
 
J'ai pas encore trouvé le bonheur, mais j'ai déjà la clef !


jeudi 19 novembre 2015

Début des travaux

10°40.788N 61°37.257W
Carenage Bay, Trinidad

Pour bouger ma maison, il faudra me passer sur le corps !
Tout nomade en bateau le sait, la vertu première du voyageur est la patience. Face aux tracasseries administratives parfois ubuesques (et qui font paraître notre système français comme d'une efficacité et d'une célérité rare), face à la malhonnêteté de certains commerçants, face à l’incompétence de certains professionnels, ou encore face à la malchance... Face à tout ça, il faut de la patience. Beaucoup de patience. Et même si je pense en avoir un peu plus que la moyenne, la mienne est soumise à rude épreuve depuis quelque temps.

La Boiteuse hors de son élément
Mais bon, La Boiteuse est maintenant hors d'eau depuis mardi matin et les travaux ont commencés. A l'origine j'avais prévu de caréner bien sûr, mais aussi de profiter de la sortie pour changer la bague hydrolube, installer le nouveau panneau solaire et de percer deux trous pour les toilettes... A l'origine ! Car depuis quelques jours deux nouvelles réparations se sont glissées dans l'agenda. Oh, pas grand chose ! J'ai juste l'inverseur qui est tout cassé et le safran qui prend l'eau ! Pas grand chose je vous dis... (Je ne veux même pas (pas encore) penser à ce que ça va me coûter et au temps que je vais perdre)

Pfff....
Bon allez, je ne vais pas m'étendre plus avant sur la liste de mes petits malheurs car le drapeau en berne au cul de mon bateau me rappelle tous les jours ce que cela pourrait avoir d'indécent. De même, je ne m'étendrais pas sur les événements de vendredi dernier... Non-pas cette fois-ci par souci d'indécence, mais parce que j'ai bien peur d'être un peu trop dans la colère pour réfléchir efficacement. Il va me falloir du temps, comme à tout le monde j'imagine, pour digérer tout ça.

J'ai juste une pensée qui me hante depuis vendredi et cela concerne une conversation que nous avons eu Zoë et moi il y a bientôt trois ans... Une conversation à propos du 11 septembre 2001. Alors voilà, Zoë si tu me lis, je te demande pardon. Pardon pour avoir été aussi léger face ta souffrance et à tes larmes. Je sais maintenant ce que tu ressens, et j'ai honte de mon comportement de l'époque.
Voilà, je tenais à ce que cela soit dit.

Bien, braves gens, sur ces mots pas très gais, je vous laisse. Ce matin je dois démonter mes panneaux solaires et trouver quelqu'un pour sécher et stratifier mon safran... Ah oui, j'ai failli oublier ! J'ai quand même eu le temps de vous faire une petite vidéo où on voit La Boiteuse qui se prend pour un avion, et Touline qui surveille ça avec une certaine nonchalance. Normal, c'est Touline après tout. (Tien, heureusement qu'elle est là, elle)


C'était une bien belle matinée pour faire ça

lundi 16 novembre 2015

lundi 2 novembre 2015

Trinidad, sans le sourire c'est moins bien forcément...

10°40.788N 61°37.257W
Carenage Bay, Trinidad

TTSA
Voilà un peu plus d'un mois que je suis arrivé à Trinidad, et il est peut-être temps, autant pour moi que pour vous, de faire le point. Enfin, quand je dis faire le point... Je veux dire qu'il pourrait être utile de poser les choses sur le papier afin d'y voir plus clair. Donc en fait, si j'écris ces mots c'est surtout pour moi... Alors, fidèle lecteur, si mes cogitations t'indisposent, je ne t'en tiendrais aucune rigueur si tu décidais de passer à autre chose. Genre, aller tondre la pelouse ou plumer un moineau.

Capsun qui s'en va vers Grenade
Donc, voilà un peu plus d'un mois que je suis arrivé à Carenage Bay. Et en un mois qu'est-ce que j'ai fait ? Ben rien...

Enfin, presque rien ! J'ai tout d'abord fait le tour des chantiers et des magasins afin de choisir le meilleur matériel au moindre coût. Enfin, au moindre coût tout court devrais-je plutôt dire. Car les prix qui sont pratiqués ici vous dissuadent rapidement de vous offrir ce qu'il y a de mieux. C'est dingue ! Moi qui, depuis plus d'un an, remettais à plus tard l'achat de certaines choses, mes winches par exemple ou un nouveau panneau solaire, parce que je pensais devoir attendre de me retrouver dans un pays détaxé afin de payer moins cher, je me suis bien planté !

Tout d'abord, tout n'est pas détaxé. Certains produits le sont et d'autres non... C'est un peu à la gueule du client. Non, correction : C'est surtout à la gueule du client. J'ai vu des types (des anglo-saxons) remplir des formulaires de détaxe, mais lorsque tu demandes comment on fait pour bénéficier du même traitement, on te dit que ce n'est pas possible. Qu'ils ne font pas ce genre de truc... Dans le genre escrocs, les vendeurs de Budget Marine (oui, je le cite si je veux !) sont des supers-cracs.

Escrocs !
Donc, pour pouvoir bénéficier d'un meilleur tarif, j'ai dû passer par un importateur qui fait venir directement ses produits des USA, sans taxes, Marine Warehouse. Le souci, c'est que pour avoir votre marchandise, c'est six semaines de délai ! Ainsi, depuis six semaines j'attends ma nouvelle annexe, mon nouveau frigo et mon nouveau panneau solaire... Logiquement, je devrais pouvoir les avoir le 12 novembre, mais quelque chose me dit qu'un délai supplémentaire n'est pas à exclure.

Du coup, les réservoirs sont plains, forcément...
Ensuite, je me suis intéressé à vouloir faire construire un nouveau portique afin de supporter le nouveau panneau solaire plus lourd et plus volumineux que l'ancien. Devant le prix du devis, 1500 USD, j'ai finalement décidé que l'ancien devra faire l'affaire. Je vais le consolider et on verra bien si ça tient ou pas... Pour les winches, idem. Les prix prohibitifs font que je vais devoir attendre la Martinique pour trouver des pièces d'occasion abordables.

Riga qui file vers Tobago
Car oui, j'ai enfin décidé de ma route à suivre pour les mois à venir ! Dans l'espoir, bien mince je l'avoue, de me trouver une « situation » j'ai décidé d'aller prospecter en Martinique. Je me donne six mois pour trouver quelque chose à faire, et si à la saison cyclonique je n'ai rien trouvé, je me barre pour rejoindre l'Amérique Centrale ; Soit par la route nord, en passant par la Guadeloupe, la République Dominicaine, Haïti, et la Jamaïque. Soit par la route sud, en passant par les ABC et la Colombie.

Voilà donc le programme. En attendant, dès cette semaine je vais m'occuper à sortir La Boiteuse et à lui refaire une beauté. Grattage et antifouling bien sûr, mais également perçage de trous pour installer les nouveau chiottes. J'en profiterais également pour sortir l'arbre d'hélice et le réviser entièrement.

Ambiance...
Sinon, depuis que je suis à la bouée, je respire un peu mieux. Nous avons eu d'autres épisodes orageux, moins importants cependant que celui qui a failli m'envoyer à la côte, mais je n'ai plus à me soucier de la sécurité de mon bateau. La seule chose qui m'importe, c'est de ne pas oublier de fermer les hublots ! L'ambiance au TTSA est assez sympa, mais c'est surtout grâce à la petite bande de frenchies que nous sommes et qui résiste assez bien à l'omniprésence anglo-saxonne.

Heureusement qu'ils sont là ai-je envie de dire... Car, je ne sais pas encore si c'est moi ou eux, mais j'ai l'impression que les Trinidiens font la gueule en permanence. On me dit que c'est le lieu qui fait ça... Qu'ici à Chaguaramas les gens sont là pour faire du bizness (ce qui n'empêche pas le sourire et la politesse d'après moi) et qu'ailleurs dans l’île les gens sont beaucoup plus ouverts et souriants... Je veux bien, mais en attendant j'ai un peu de mal à ne pas le prendre personnellement. Pourtant je fais tout bien ! Je suis poli et souriant, j'évite de ramener ma fraise comme sont sensés le faire les français (un préjugé bien stupide entre nous soit dit), mais rien n'y fait. Ici, en règle générale, les gens me font la gueule et j'ai l'impression de les emmerder profondément à chaque fois que je demande quelque chose, ou que je dis simplement bonjour.

TTSA again
Mais c'est pas grave. Depuis le début je sais que je suis ici pour mon bateau et que je ne m'y attarderais pas. Donc, il m'importe peu de me faire des amis parmi les locaux.


Bon allez, il faut que j'aille au bureau discuter avec la toute jolie et peu souriante secrétaire et prendre rendez-vous pour sortir La Boiteuse. A plus les gens !

PS : Changement de programme. Je me suis rendu compte que l'installation des nouveaux chiottes risquait d'être un peu plus compliquée que je ne le prévoyais. Aussi, je vais attendre que mes copains de La Bella Flora viennent me rejoindre. J'aurais besoin des lumières de Bernard !

lundi 12 octobre 2015

Coup de vent sur Trinidad

10°40.788N 61°37.257W
Carenage Bay, Trinidad

Quelques minutes après mon arrivée à Carenage Bay, je retrouvais Patrick à bord du Capsun pour un café bien mérité. Nous étions ravis de nous revoir après six mois, et nous échangeâmes les premières infos. Patrick était depuis deux mois au mouillage, et semblait content de son sort. L'endroit était assez sécurisé, peu de vent et de houle, les fonds étaient fait de vase fine mais semblaient tenir. L'argument final du coût, 100 US$ par mois, termina de me convaincre : J'allais m'abstenir de prendre une bouée et allais mouiller au milieu des copains. Après tout, j'avais bien mouillé deux mois dans le fleuve Kourou et il ne m'était rien arrivé... Et pourtant ce n'était pas une sinécure, croyez-moi !
Ainsi, en milieu d'après-midi la lancha du club et son moteur de 40 chevaux m'aidait à mouiller mon ancre au milieu des autres.

La Boiteuse au mouillage
Tout se passait bien, et ce jeudi 08 octobre présumait d'être comme tous les autres jours. Ensoleillé le matin, avec peut-être quelques nuages l'après-midi. Personnellement, j'attendais la pluie avec impatience car il n'avait pas plu depuis mon arrivée et je n'avais pas envie de me taper une corvée de bidonnage. N'ayant rien de particulier à faire, j'ai passé ma matinée sur mon ordinateur tout en papotant avec les copains. Puis, vers midi chacun a regagné ses pénates pour le repas, et bien plus important, la sieste qui s'ensuit.

Ça se lève...
J'arrive sur mon bord et commence à me préparer à manger, un pavé de steak américain avec quelques pâtes. Dehors, le ciel est couvert et le vent s'est levé. La Boiteuse commence à tirer des bords sur son ancre.
Soudain, alors que je peaufinais la cuisson de ma viande, j'entends le son aigrelet d'une corne de brume en plastique. Vous savez, ce genre de truc qu'on trouve dans les ships et qui ressemble à un jouet d'enfant... Et qui en a la puissance. Il s'agit d'un de mes voisins, Brice sur Chintouna, qui cherche à attirer l'attention des boat-boys parce qu'il a repéré deux voiliers dans le fond de la baie en train de jouer les autos-tamponneuses. Les deux ont beau être sur corps-morts, ils ont quand même trouvé le moyen de se retrouver nez à nez et de se toucher.
Le vent emporte les tut-tut-tuts de la corne, et sur le ponton personne ne réagit. N'écoutant que ma gentillesse proverbiale j'éteins alors le feu sous la poêle et je saute dans mon annexe pour aller proposer mon aide. Après un détour par Chintouna, je fonce vers le ponton et averti les employés qui prennent leur temps, tout leur temps, pour aller voir ce qui se passe. Sur le retour, je refais un arrêt chez Brice, et on commence à papoter sur nos diverses expériences de mouillage, les coins qu'on a faits, le type d'ancre, le métrage de chaîne, etc. Kourou restant une référence en matière de mouillage merdique ! Bref, probablement le sujet de conversation le plus prisé du marin-voyageur, et personne n'est pour l'instant inquiet quant à la tenue de son propre mouillage.

Sauf que pendant que nous causions, ça commence à se lever vraiment... Des risées arrivent de tous les côtés et s’abattent sur la petite baie en soulevant des embruns. Euh... Il serait peut-être temps que je rejoigne mon bord non ? Je fonce vers La Boiteuse et alors que j'accroche le boute de l'annexe je vois du coin de l’œil Chintouna qui commence à déraper !
Bordel ! Même pas deux minutes avant, nous parlions de la tenue de notre ancre et de la confiance que nous y mettions, c'est vraiment pas de bol...
J'entre dans le carré, et je m’apprête à remettre le feu sous les pâtes lorsque j’entends gueuler à l'extérieur. Je jette un œil... Putain ! Là c'est moi qui ai décroché !!! Le voilier que je vois derrière moi et vers lequel je me dirige, ce trouvait encore il a deux minutes à 50 mètres de moi ! Son propriétaire, un brésilien, est à l'avant et commence à placer des pare-battages en prévision de l'inévitable collision ! De mon côté, malgré le préchauffage défectueux je m'échine à essayer de démarrer le moteur. En vain...

La Boiteuse recule toujours sous les bourrasques de plus en plus fortes. Je laisse tomber la clef de contact et je me précipite à l'arrière pour parer autant que faire se peut les dégâts. Le régulateur manque d'écrabouiller l'annexe du brésilien, une Babana Boot d'une extrême fragilité. Heureusement, au dernier moment La Boiteuse vire un peu, et l'annexe rigide que m'a loué la marina fait tampon entre nos deux bateau. Ouf ! Ça passe sans dégât !

Mais ce premier obstacle évité, il en reste d'autres... Je décide de sortir mon ancre de secours qui se trouve au fond du coffre arrière. Je balance tout ce qui m'empêche d'y accéder dans le cockpit et je la sors... Pour m'apercevoir qu'elle est tellement rouillée qu'elle est inutilisable ! Là, je me maudis car il s'agit bien d'une négligence de ma part. J'aurais dû en prendre soin. Mais bon, c'est pas grave, pour l'instant j'ai autre chose à faire qu'à me faire des reproches car La Boiteuse vient de reculer de cent mètres et se dirige maintenant vers l'étrave d'un ketch américain.

Le Mighty Sparrow
A l'avant du ketch américain en acier, le Mighty Sparrow, il y a Mary-Ann, 74 ans, qui me regarde arriver droit sur elle. Boum, crac !!! La Boiteuse percute l'étrave du ketch avec son flanc tribord, glisse et se met bord à bord. Avec Mary-Ann nous tentons tant bien que mal de protéger nos bateaux respectifs avec des pare-battages, mais les vagues font danser les coques les unes contre les autres. Malgré nos efforts, je vois des bouts de listons qui éclatent avec des craquements sinistres... Soudain j'ai l'idée, peut-être saugrenue, d'essayer de m'amarrer au ketch, histoire d’arrêter de dériver. C'est une coque acier qui doit bien faire vingt tonnes, mouillées avec une grosse chaîne de douze, normalement ça devrait bien m'arrêter... Mais non ! Son ancre décroche à son tour et nous voilà partis tous les deux !

Là, ça se complique sérieusement... Nos deux bateaux liés entre eux par l'avant reculent et se dirigent droit vers le rivage. Au passage, nous percutons un troisième bateau sur corps mort, son davier éraflant sérieusement le flanc tribord du ketch. Franchement, à ce moment précis, je crois que nous allons aller tous les deux à la côte... J'en avise Mary-Ann, tout en là rassurant en lui disant que nous ne sommes pas en danger pour autant.
C'est là que la chance, qui s'était faite plutôt discrète ces dernières minutes, est intervenue. Nous avons dérivé encore sur une cinquantaine de mètres, puis l'arrière de la Boiteuse est venu percuter une épave bleue qui se trouvait là. Son safran s'est pris dans la ligne du corps mort, et du coup nos deux bateaux se sont trouvés immobilisés nez à nez. La Boiteuse retenue par son safran et cognant avec force contre l'épave, et le Mighty Sparrow accroché par l'avant à la proue de La Boiteuse...

Une épave bienvenue
La situation était précaire, mais elle avait le mérite de m'offrir une pause. Je ne sais pas exactement combien de temps s'était écoulé depuis que l'ancre avait décroché, sans doute moins d'un quart d'heure, mais j'avais l'impression que cela faisait des heures de que je bataillais. Le vent soufflait toujours très fort, entre 35 et 40 nœuds m'a t-on dit par la suite, et la pluie commençait à tomber.
Je jette un coup d’œil autour de moi : C'est la débandade dans la baie. Quasiment tous les bateaux au mouillage ont dérapé ou sont en train de le faire. C'est à dire en tout neuf voiliers... Obligés de remonter leur ancre en catastrophe et de faire des ronds dans l'eau en attendant que ça passe, ou pour le moins d'étaler au moteur.

Le vent se calme un peu, juste un peu, et maintenant c'est la pluie qui tombe en averse violente. Je me réfugie à l'intérieur et en profite pour fumer une pipe. Il n'y a rien d'autre à faire qu'à attendre. Mon steak est froid dans la poêle mais je n'ai pas vraiment le cœur de me remettre aux fourneaux. Nous ne sommes pas encore en sécurité et la ligne de mouillage qui est coincée dans le safran est bien fine...
Le flanc tribord de La Boiteuse continue à frapper contre l'épave à chaque vague. Un de mes pare-battages a déjà explosé, et les autres peinent à faire leur boulot. Le liston a disparu sur plusieurs mètres, et à chaque choc j'aperçois des bouts de gelcoat qui volent. Putain... J'ai une pensée fugace pour ce que cette aventure va me coûter, mais je l'évacue très vite. Chaque chose en son temps. Pour l'instant je dois mettre La Boiteuse en sécurité.

Lorsque la pluie cesse enfin, et que le vent semble définitivement tombé, le bateau à moteur du club arrive enfin. Il s'en suit quelques palabres inutiles sur la manière de démêler le Mighty Sparrow et La Boiteuse, et sur le fait que je leur demande de me conduire sur un corps morts. Ça n'a pas l'air de leur convenir. A la fin, je hausse un peu le ton, et j'ordonne. Avec un moteur en rade, il est hors de question que je retourne au mouillage. C'est comme ça et ce n'est pas autrement.
Devant ma détermination, les employés cèdent et font comme je leur dis. On frappe une aussière à l'avant de la Boiteuse et je largue celle qui retient le ketch. Pendant que les 40 chevaux du hors-bord me halent, je remonte mon ancre qui fort heureusement n'est pas prise dans la chaîne du ketch. Mary-Ann me regarde partir un peu inquiète. Je la rassure en lui disant que son bateau ne bougera plus maintenant et que de toute façon dès que mon bateau est amarré, je reviens lui filer un coup de main et rester avec elle le temps que son mari Ron revienne.
Quelques minutes plus tard La Boiteuse est amarrée sur son corps mort. Dans la baie, les voiliers qui avaient levé l'ancre en catastrophe mouillent de nouveau les uns après les autres. Ron à rejoint son bord et le Mighty Sparrow est de nouveau ancré correctement. Le coup de vent est terminé et tout rentre plus ou moins dans l'ordre sauf que tous les bateaux ont changé de place !

Oups !
Comme promis, sitôt amarré je saute dans mon annexe de location, et je commence à faire la tournée des bateaux que j'ai touché en dérivant. Tout d'abord le brésilien. On a eu beaucoup de chance, car son annexe est intacte. J'ai pourtant bien cru que j'allais en faire du petit bois...
Ensuite je retourne vers le Mighty Sparrow. Lorsque j'arrive je suis dans mes petits souliers... Mais l'accueil de Ron et Mary-Ann me rassure assez rapidement. Ron est hilare et sa femme a retrouvé le sourire. Ça fait trente ans qu'ils naviguent dans ces eaux, et ils en ont vu d'autre !Tout en buvant un verre de jus d'orange, nous évoquons les dégâts qu'ils ont subi et que je me propose de rembourser, bien sûr, dans la mesure de mes moyens.
On verra demain me dit Ron ! Pour l'instant let's have a drink ! Ces deux petits-vieux du New Jersey sont décidément adorables !

Le liston est fichu
Bon, quelques jours sont passés depuis cet événement et son bilan est heureusement relativement minime. Enfin, ce que je veux dire c'est que ça aurait pu être pire. C'est La Boiteuse qui a le plus morflé, mais toutes proportions gardées ce ne sont que des dégâts cosmétiques. Cette semaine je vais aller voir un menuisier pour demander un devis afin de remplacer le liston. Pour le reste, et bien ce sera un peu de mastic et de l'huile coude. Un bon coup de peinture serait le bienvenu, mais je ne crois pas que j'en ai les moyens pour l'instant.
Pour les dégâts sur le Mighty Sparrow, Ron doit remplacer quelques centimètres de son liston à lui, plus quelques vis à remettre par-ci par-là. Rien de vraiment coûteux heureusement. Franchement, je trouve que je m'en sors bien...

Non, s'il y a dégâts, ils sont surtout dans ma tête. Moi qui commençais à avoir confiance dans mon mouillage, je me retrouve à détester ça encore plus qu'avant. Je hais les mouillages, mais à un point que vous ne pouvez pas imaginer !
Et ça, franchement, si on va au bout du bout de la logique, ça remet sérieusement en question mon voyage... Économiquement parlant je veux dire. J'ai déjà plus ou moins fait une croix sur les marinas à pontons, mais si je veux continuer à vivre sur mon bateau je ne me sens plus pouvoir me passer de corps morts pour autant... Bref, encore une grande question que je vais devoir résoudre dans les semaines qui viennent.

Ah oui, un dernier mot. Ce coup de vent imprévu a été bien plus fort sur l'île de Tobago où ils ont eu des vents de 60 nœuds. Et c'est là où se trouve Pelagos, Thétis et La Bella Flora dont je n'ai pas de nouvelles... Donc les copains, si vous me lisez, soyez gentils de me tenir au courant. 

Un mouillage peinard qu'il disait l'autre...